lundi 30 mai 2011

La Russie est la grande gagnante du G8 de Deauville de mai 2011


La Russie, membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU et du G8 est consciente de ne plus avoir le même poids qu'auparavant sur le plan international. De ce fait, elle essaye à chaque fois que l'occasion lui est présentée de rappeler qu'elle existe encore et qu'elle demeure capable d'influer sur le cours des évènements.
Elle s’était abstenue, le 17 mars 2011, d’exercer son droit de veto lors du vote de la résolution 1973 autorisant l’intervention d’une coalition internationale en Libye contre le régime du colonel Kadhafi. Elle a par la suite dénoncé l’usage "disproportionné" de la force en Libye par les forces de la coalition, estimant que les frappes de l’OTAN allaient au-delà du mandat de l’ONU.
Fin avril 2011, elle avait jugé "inacceptable" l’adoption, par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU d’une résolution demandant l’envoi urgent d’une mission d’enquête en Syrie.
Et si elle continue de refuser de coopérer avec l’Occident pour faire davantage pression sur la Syrie, c'est parce qu'elle tient à préserver ses relations avec ce pays. D'après le ministre russe des Affaires étrangères Sergeï Lavrov, l’opération occidentale contre le régime de Kadhafi risque de tenter les opposants d’autres pays en proie à un soulèvement populaire de solliciter une intervention étrangère. En évoquant la Syrie, il n'a pas manqué de dire : "Il est très regrettable que la situation en Libye ait suscité une forte tentation chez de nombreux opposants de créer une situation analogue et de considérer que l’Occident ne restera pas à l’écart et s’ingérera dans le conflit au profit d’une des parties".
La Russie espère, ainsi, que "le scénario libyen", avec des acteurs étrangers s’ingérant dans la situation [syrienne], y compris en recourant à la force, ne va pas se répéter.
La Russie est aujourd'hui très consciente que la Chine est de plus en plus importante en Syrie. Elle y a notamment acheté une grande partie de Shell Syrie pour un milliard de dollars. Et peut donc faire la même chose qu'au Soudan où un embargo est en vigueur, mais bafoué, dès sa mise en place, par les Chinois qui se sont emparés de l'économie locale. La Chine nargue ainsi les puissances en présence et bouleverse les schémas.
D'un autre côté, la Russie veut redéployer sa flotte en Méditerranée et pour cela a besoin de bases militaires. Or les deux alliés de la Russie dans la région à l'époque soviétique étaient la Libye et la Syrie. La base de Tartous en Syrie est en train d'être réhabilitée afin d'accueillir une flotte russe et devenir la principale base russe en Méditerranée. Une option qui s'impose d'autant plus qu'un accord avec l'Ukraine a été trouvé pour un départ de Crimée. Il faudrait attendre, 2020 (version optimiste) pour qu'ils puissent construire une base sur la côte russe. Et le mouillage en hiver en mer Noire n'est pas évident. Par conséquent, les Russes n'ont pas d'autre choix que d'avoir une base directement en Méditerranée.
C'est ce qui explique que, quoique traditionnellement opposée à toute ingérence, la Russie s'est résolue vendredi à réclamer le départ de Kadhafi. La déclaration finale du G8 reflète ce changement spectaculaire de posture en affirmant que Kadhafi "n'a pas d'avenir dans une Libye libre" et qu'"il doit partir". Les dirigeants du G8 (États-Unis, Russie, Canada, Japon, France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie) se limitent, par contre et une fois de plus, à menacer la Syrie de "nouvelles mesures" si la répression continue.
Or, La Syrie n'est pas un pays intégré économiquement au niveau mondial. Il ne fait pas partie des membres de l'OMC et il est auto-suffisant au niveau alimentaire. Énergétiquement, la Syrie a assez de pétrole et de gaz pour ses besoins propres. Donc les sanctions "classiques" ne vont pas bouleverser le fonctionnement du pays.
Fin manœuvrier, le président russe, Dimitri Medvedev qui a obtenu que la perspective d'une résolution à l'ONU prévoyant de nouvelles mesures contre Damas soit gommée de la déclaration finale du G8, a tout de même exhorté Bachar AL-ASSAD à "passer des paroles aux actes". Alors que Nicolas SARKOZY s'est dit d'accord avec Barack OBAMA pour appeler le président syrien à diriger la transition ou à se retirer du pouvoir.
Le président russe, soucieux de réintroduire son pays dans le jeu diplomatique, a profité de cette occasion pour proposer "sa médiation" à ses partenaires pour résoudre le conflit libyen.
La plupart des membres du G8 pensaient profiter de ce rendez-vous pour convaincre la Russie de ne pas opposer son veto à la résolution de l'ONU sur d'éventuelles sanctions à l'encontre de la Syrie. Quitte à lui faire quelques concessions pour obtenir son accord sur de nouvelles sanctions onusiennes.
En définitif, la Russie repart de ce sommet avec l'assurance d'acquérir quatre Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) du type Mistral avec transfert de technologie. Le président français a affirmé à l'issue d'un entretien avec son homologue russe :"Nous avons trouvé un accord définitif ; s'agissant des deux BPC construits en France et deux BPC construits en Russie. Les éléments de la signature et du contrat ont été réglés, la signature aura lieu dans les quinze jours". Et Dimitri MEDVEDEV d'ajouter :"Aujourd'hui, cette négociation est terminée, ce qui est très important pour les relations entre la Russie et la France, et nous allons bientôt signer le contrat définitif".
En contre-partie, la Russie consent à "lâcher" Kadhafi, mais ne cède rien en ce qui concerne la Syrie et consolide même son rôle sur la scène internationale.

Lotfi AGOUN

dimanche 22 mai 2011

Les démons de Dominique STRAUSS-KAHN

Un proverbe tunisien dit :"Quand le taureau chute les couteaux foisonnent". C'est dire que tant qu'il est debout personne n'ose l'approcher même si l'envie de l’abattre est forte. Ce proverbe cher aux Tunisiens de toutes confessions s'applique bien à Dominique STRAUSS-KAHN (DSK) dont la mère était juive d'origine russo-tunisienne (sépharade) et le père juif alsacien (ashkénaze).


Une semaine s’est écoulée depuis l’arrestation de DSK (le 15 mai 2011). Ce jour là des policiers en civil l'ont fait descendre de l'avion Air-France en partance pour Paris. Cette date marque, désormais, le basculement de sa vie. Que s’est-il passé quelques heures plus tôt dans la suite 2806 du Sofitel de New-York ? Pour le moment seuls DSK (présumé coupable) et la femme de chambre (présumée victime) le savent réellement.

Cet homme de 62 ans tant estimé et redouté concomitamment et respectivement de la gauche et de la droite françaises, a été nommé en 2007 à la tête du FMI. Cette nomination arrangeait pour des motifs différents, les deux clans politiques. Il s'est trouvé à jouer un rôle d'importance planétaire avec rang de chef d'État et avec tous les égards dus à ce rang, sauf de l'immunité diplomatique (un handicap majeur qui le fera arrêter sans qu'il puisse se prévaloir d'une quelconque exception).

Comme tout être humain, il a ses faiblesses. Dans Le journal Libération du 16/05/2011, DSK disait qu'il avait trois difficultés à surmonter s'il voulait briguer un mandat présidentiel (dans l'ordre) : "Le fric, les femmes et sa judéité." Dans le même article, il annonçait qu'il redoutait d'être piégé par une femme. Était-ce prémonitoire ?

Toujours est-il qu'à ce jour, soit une semaine jour pour jour, nous n'avons pas encore d'éléments suffisamment tangibles pour écarter la thèse du piège (du complot comme certains aiment la qualifier). Les zones d'ombre sont très nombreuses :
  • Un personnage aussi important avec rang de chef d'État sans gardes du corps devant la porte de sa suite ?
  • Dans ce genre d'établissement, le ménage des chambres ne se fait-il pas avec la porte ouverte, pour des questions de précautions et de clarté ?
  • Pourquoi la femme de ménage est-elle entrée sans utiliser sa carte magnétique ? Ceci aurait déterminé l’heure exacte de son passage.
  • Que penser de l’absence de caméras de surveillance dans le couloir ? Elles auraient permis de connaître l'heure du passage de la femme de ménage, le moment de sa sortie et surtout dans quelles conditions.
  • DSK prend le temps de payer sa note avant de partir ; ce comportement ne correspond pas à quelqu’un ayant commis les accusations qui pèsent sur lui. Il aurait pu partir en hâte et se faire débiter ou se faire présenter la note ultérieurement.
  • Tout comme le fait de téléphoner de l'aéroport pour qu'on lui rapporte le mobile oublié dans cette suite. C'est ainsi qu'il s'était fait repérer.
Depuis une semaine les médias ne parlent que de DSK avec photos à l'appui à tel point que tous les autres évènements nationaux et internationaux ont été occultés.

La présumée victime, employée du Sofitel New-York, rarement citée, se nommerait Nafissatou Diallo. Mère célibataire de 32 ans d'origine guinéenne, elle vivrait dans le Bronx avec sa fille Dana, âgée de 16 ans. Son entourage la dit jolie, calme et sans histoire.

Deux scénarii sont possibles :

1/ DSK cède à la tentation et se croyant puissant pense que son charme et son pouvoir lui permettent tout. Il tente sa chance avec la présumée victime. Elle refuse ses avances et repousse son "audace".
2/ DSK se fait bel et bien piégé : la présumée victime subit le chantage "de la green card" et fait ce qu'on la somme de faire pour continuer à vivre aux USA. Et DSK cède à ses démons. La thèse du complot ("international" : la Russie, les USA, la France, la Chine, etc …) fascine les Français qui du coup en oublient toute compassion pour la présumée victime. Si cette thèse se confirme, elle n'aurait pu aboutir sans son penchant pour les femmes.

À présent, il faut attendre la conclusion de la justice américaine qui n'est pas du tout comparable à celle de la France sur bien des aspects. DSK a pu obtenir au bout d'une semaine d'incarcération, sa mise en liberté provisoire. Elle va lui coûter très cher financièrement. La justice américaine ne veut pas courir le risque de le voir s'échapper. En plus des possibilités dont il dispose (situation financière, soutiens politiques et autres), l'antécédent Roman POLANSKI ne joue pas en sa faveur et la France n'extrade pas ses ressortissants.

Ce qui s'est produit aura des incidences bien au-delà des deux familles concernées. Les dommages collatéraux toucheront à des degrés divers tous ceux qui avaient DSK dans leurs rouages. Le FMI qui perd un homme très compétent. Le PS qui avait un candidat potentiel pour effacer la déconvenue connue avec Ségolène Royal. La France qui le comptait parmi ses hommes politiques d'envergure internationale.

D'autres y trouvent une aubaine qu'ils n'espéraient même pas dans les rêves les plus optimistes. Et Nicolas SARKOZY est en tête de liste. Ce fils d'immigrés, dont la mère a des origines juives, pense que la France doit durcir davantage ses conditions d'accueil d'immigrés. Il avait appuyé la nomination de DSK à la tête du FMI en 2007 pour l'éloigner de la scène politique française. Il pensait que ce dernier y prendrait goût et ne se présenterait pas en 2012. Maintenant, il en a la certitude.

Quelle que soit l'issue de ce procès, les antécédents de DSK, qui étaient plutôt occultés par la presse française, ne lui permettront plus d'obtenir l'adhésion des votants. Un homme qui donne l'impression de ne pas pouvoir contrôler certaines pulsions, même blanchi d’un tel scandale, ne sera plus en mesure de représenter la France.

Certes, les Français ont franchi beaucoup d'étapes et peuvent se prévaloir d'une certaine ouverture d'esprit : les libertés d'opinion, de pensée et de religion sont bien mentionnées dans la constitution française, mais les Français sont-ils prêts mentalement à ce que leur Président soit de confession juive (ou autre que je ne formulerai pas), de couleur, une femme, un homosexuel ou seulement un coureur ? À ce jour je peux affirmer que ce n'est pas demain la veille.

Dans ce qui se joue sous nos yeux, on ne peut éprouver que de la révolte devant un tel gâchis ; il y a quelque chose de profondément pathétique. Les deux protagonistes de cette histoire sont d’ores et déjà des victimes ; ils ne maîtrisent plus leur image, leur vie est désormais livrée aux chacals, à la curiosité malsaine de ceux qui sont en quête de sensationnel, de ceux qui voient dans cette affaire, l’occasion trop belle de satisfaire leur propre ambition. Je ne cite que le fait suivant : les postes de procureur de justice aux États-Unis sont pourvus selon un mode électif, cette affaire devient dès lors un enjeu pour leur carrière future.

L’idée qui ressort pour l’heure de tout ce déballage est une dernière interrogation : DSK n’aurait-il pas, au fond, péché par une trop grande naïveté ? Ne serait-ce pas là sa plus grande faiblesse ?

Lotfi AGOUN

dimanche 8 mai 2011

Mesure et Prudence

Dans mon article "De quoi ont besoin ces peuples qui accèdent à la démocratie" (Lire ici), j'avais parlé des quatrième et cinquième pouvoirs ; respectivement, les médias dans leur ensemble et l'opinion publique. En Tunisie, ces deux pouvoirs (ou plutôt contre-pouvoirs) semblent se chercher encore ; et les derniers évènements de la semaine écoulée confirment cet aspect des choses.
Liberté d'expression n'est pas synonyme de dire n'importe quoi, au détriment du respect des règles élémentaires censées régir les rapports entre individus dans une société qui se veut démocratique, qui tend à l'être ou à le devenir.
Les récentes tensions qui traversent la Tunisie après une pseudo-accalmie n'augurent rien de bon pour son devenir démocratique.
J'essaye de ne pas porter de jugement de valeur. Persuadé de n'avoir aucune qualité pour le faire autre que celle du simple citoyen qui aspire à voir son pays sortir finalement indemne de cette tourmente après des décennies de tyrannie et dictature. Je me contenterai, tout simplement de souligner certains faits qui, à mon avis desservent l'instauration d'une démocratie plutôt qu'ils ne l'assoient.
1/ Croire que le simple fait d'avoir chassé BEN ALI et ses acolytes va faire de la Tunisie un havre de paix et de prospérité est une grossière erreur dont les Tunisiens dans leur ensemble sont conscients.
2/ Recourir aux médias (la presse, Internet, les réseaux sociaux, etc …) pour régler ses comptes, sans avancer de preuves tangibles, n'est pas le meilleur moyen pour consolider cette démocratie balbutiante. Et c'est l'effet boomerang garanti.
3/ Les propos de Mr Farhat RAJHI, avec tout le respect du à sa personne, n'étaient pas de nature à apaiser cette rue qui voit, pense (parfois avec l'aide de certains pas toujours bien intentionnés) que sa révolution lui a échappé des mains et que petit à petit certaines pratiques, d'un passé pas si lointain, se remettent en place.
De nos jours l'information circule à la vitesse de la lumière et ce n'est pas un simple jeu de mots. Il aurait été préférable, à mon humble avis, que Mr RAJHI ne tombe pas dans ce qu'il reproche aux autres. En insistant sur le régionalisme, il suggère en substance une sorte de compensation en faveur de celles écartées depuis l'indépendance ; et par conséquent, une autre forme de régionalisme. La Tunisie a besoin de toutes ses compétences quelque soit la région d'origine.
Accorder une interview à une journaliste stagiaire (d'après les dires de l'intéressé) et se faire filmer à son insu ne semble pas très plausible dans la mesure où il a été bien cadré durant l'entretien. Ne pas demander à écouter au préalable le rendu final, afin d'éviter certains montages qui font sortir les propos de leurs contextes, est un reproche que je ne peux ne pas faire à cet ancien haut magistrat et ex-ministre à la tête d'un ministère de souveraineté.
Quand on s'exprime sur les ondes et à travers les médias (et il est bien placé pour apprécier leurs pouvoirs de nos jours) il ne peut, lui qui de par les fonctions occupées (même de façon éphémère) jusqu'à sa démission, oublier qu'il est tenu à l'obligation de réserve. Exprimer ses pensées à travers ces moyens d'expression peut attiser des haines et surtout manipuler les sentiments des citoyens. Agiter l'épouvantail de l'arrivée des islamistes au pouvoir et de les voir se faire coiffer au poteau par l'armée est un scénario fort lugubre pour la Tunisie. Les enjeux touchant au devenir de ce pays et à l'avenir de son peuple sont tels que les actes des responsables politiques de tout bord, qui se veulent les bâtisseurs de la démocratie en Tunisie, doivent être imprégnés de sagesse et de pondération. De mesure et de prudence.
Espérons que l'instauration du couvre-feu, que l'on croyait révolue depuis l'avènement du gouvernement de transition, sera de très courte durée et surtout pour la dernière fois. Que les sacrifices des Tunisiens pour conquérir la démocratie ne soient pas vains.

Lotfi AGOUN

jeudi 5 mai 2011

Même mort BEN LADEN continuera à faire parler de lui



BEN LADEN a réussi une prouesse post-mortem ; il nous a définitivement fixés sur un fait : les élites des marines américains ne sont pas aussi performantes que dans les films. Après une traque de 10 ans durant lesquels il a nargué le Pentagone, les services secrets américains et les services de renseignements de leur l'armée ainsi que beaucoup d'autres services de renseignements, de par le monde, qui tenaient à des degrés divers à l'avoir mort ou vif, il a été finalement abattu lors du raid de ces fameux marines (02 mai 2011).
Dans une première déclaration, la Maison Blanche avait annoncé qu'il était armé et qu'il avait essayé de se défendre. Puis, toujours selon sa coutume légendaire, elle s'est rétractée et a admis qu'il n'était pas armé, mais qu'il avait essayé de résister. Sans donner de plus amples détails.
Peut-être avait-il essayé de lancer un coussin ou le traversin sur ses assaillants ? Sa femme avait essayé de le protéger et a été touchée à la jambe, mais lui, il a été abattu par une balle à la tête.
Sans m'attarder sur le rôle de tous les services de renseignements à ses trousses (y compris ceux pakistanais) et les complaisances dont il a pu bénéficier, force est de reconnaître qu'il avait sûrement bénéficié d'appuis bien placés et bien informés pour qu'il puisse paraître aussi insaisissable durant tout ce temps.
Il a été déclaré mort plus d'une fois. L'ex-président pakistanais MUSHARRAF l'avait annoncé en janvier 2002. Mais c'était, sûrement, sa façon de singer l'administration américaine qui avait manipulé le monde entier en affirmant à qui voulait (ou ne voulait pas) l'écouter l'existence d'armes de destruction massive en Irak.
Les marines ont même innové en réservant à sa dépouille un nouveau précepte musulman. Ils l'ont immergé. Le choix de l'immersion du corps rappelle... ce qui a été réservé au criminel de guerre nazi Adoph EICHMANN. En effet c'est de cette même façon qu'Israël s'était défait de son cadavre en 1962, après son exécution. Ses cendres avaient été dispersées en Méditerranée.
Le monde ne verra pas de photos de son cadavre pour (toujours d'après l'administration OBAMA) ne pas choquer ou heurter la sensibilité de certains. Alors que les cadavres des deux fils de SADDAM ont été exposés pendant 11 jours. Et la pendaison de leur père transmise à la télévision et publiée sur Internet. Sans parler du sort qui a été réservé au cadavre de Che GUEVARA.
Ce qui semble curieux est en fait fort compréhensible. L'administration américaine ne voulait ni d'un procès sous haute tension qui risque de la mettre dans l'embarras (au vu de rapports qu'elle avait entretenus avec lui) ni d'une tombe qui deviendrait un lieu de "pèlerinage". En jetant son cadavre dans l'océan à plus de mille kilomètres de l'endroit où il a été abattu, elle réalise des économies substantielles à pas mal de niveaux. Elle s'épargne la gestion d'énormes complications ; évite à Barack OBAMA de sérieux maux de tête et permet à ce dernier d'améliorer notablement sa côte de popularité. Pas de frais de procès, ni de frais d'emprisonnement et évite toutes tentatives d'actions terroristes lors du déroulement d'un tel procès. La décision du président américain de ne pas montrer les photos de BEN LADEN ("comme un trophée") à la suite de ce raid continuera à alimenter les interprétations des uns et des autres de ce qui s'est réellement passé. Mais là encore, les États-Unis sont passés maîtres en l'art de brouiller les pistes. Depuis 1963, les versions sur l'assassinat de Kennedy n'ont pas cessé d'alimenter la rumeur.

Lotfi AGOUN

dimanche 1 mai 2011

Similitudes et différences entre la Libye et la Syrie


Un peu plus d'un an sépare les deux prises de pouvoir par la force en Libye (le 1er septembre 1969) et en Syrie (le 13 novembre 1970).
Aussi bien AL-ASSAD (père et de nos jours fils) que KADHAFI vont veiller à ce que toute opposition à leur perception de la conduite des affaires de l'État soit réduite à néant.
Tous les deux cosignaient avec l'Égypte de SADATE, en mars 1972 la création de l'Union des Républiques Arabes, regroupant ces trois pays. Cette union restera fictive jusqu'à sa dissolution en mars 1977. Il y a eu une seconde tentative entre ces deux pays en 1980 qui est restée sans lendemain.
Ces deux chefs d'État vont confier la gestion des affaires de l'État à leurs proches et permettre clientélisme, corruption, répression et torture. Mais tant que les intérêts des Occidentaux étaient préservés, personne ne bronchait.
Tous les deux vont manifester une grande hostilité essentiellement envers les États-Unis et Israël ce qui leur vaudra l'admiration de leur peuple et celle des peuples arabes et musulmans des autres pays.
Ces deux pays ont été taxés par une bonne partie de la communauté internationale de pays exerçant le terrorisme international et ayant une grande propension à s'ingérer dans les affaires d'autres pays. Ils ont été souvent qualifiés d'États "voyous".
La communauté tiendra la Libye pour responsable l’explosion en plein vol d’un avion de ligne américain au-dessus de la ville écossaise de Lockerbie (1988). Et la Syrie pour l'instigateur de l'assassinat du premier ministre libanais Rafik HARIRI (2005).
Ils seront mis au ban de la communauté internationale et puis réhabilités selon la conjoncture du moment ; selon les intérêts et la stratégie géopolitique de l'Occident dans ces parties du monde arabe.
Ils seront même reçus et dorlotés par les Occidentaux et notamment par Nicolas SARKOZY.
AL-ASSAD fils vient de rééditer le méfait de son père (1982) qui avait fait ouvrir le feu sur son peuple et bombarder la ville de Hama. Il a ainsi donné l'ordre à son armée de tirer sur le peuple syrien.
KADHAFI l'avait précédé quelques semaines plus tôt.
Les similitudes, du moins les plus saillantes, s'arrêtent à ce niveau.
Voyons à présent les différences : la plus notoire de nos jours est la position de l'Occident devant le même acte barbare qu'est celui de faire ouvrir le feu sur son propre peuple. L'Occident n'a pas mis longtemps pour réagir à propos de ce qui se passe en Libye et de bombarder certains sites libyens. Concernant la Syrie, il vient à peine d'élever la voix et de formuler certaines menaces qui resteront sans suite.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que :
1/ La Libye a le pétrole et le gaz naturel et des réserves financières substantielles. Et c'est ce qui intéresse la coalition et non l'intérêt du peuple libyen. Les pays qui la composent aujourd'hui se disputeront demain le partage des richesses et ressources libyennes. Ne nous laissons pas berner par les sentiments altruistes qui semblent animés ceux qui hier donnaient l'accolade à KADHAFI.
2/ La Syrie dépourvue de ressources naturelles pouvant intéresser les Occidentaux n'en demeure pas moins stratégique de par la position qu'elle occupe dans la région, de par ses alliés (l'Iran, la Turquie, le Liban, Hezbollah, Hamas à Gaza) et de par sa zone d'influence englobant même l'Arabie Saoudite (qui ne veut laisser l'Iran mettre la main complètement sur la Syrie). Ceci étant, Israël s'accommode bien de son voisin tant que son activisme à son égard ne va pas au-delà des rodomontades de principe.
3/ La Libye est constituée de tribus ; la Syrie (à majorité sunnite) de clans.
4/ En outre, la coalition qui avait débuté l'opération en Libye avant de passer le relais à l'OTAN ne pourra refaire la même chose en Syrie. Pour deux raisons au moins : éviter que les peuples arabes ne pensent que ce sont les croisades du XXIème siècle et puis ces pays sont déjà englués en Afghanistan et ne semblent prêts de pouvoir s'en sortir de sitôt.
5/ Les Occidentaux se sont toujours accommodés de dictateurs à la tête de certains pays du moment que leurs intérêts propres étaient bien maintenus. Ce n'est donc pas la situation politique et sociale du pays qui les pousse à agir loin de là. Ils préfèrent un régime autoritaire qui leur convient plutôt qu'une démocratie avec des lendemains incertains pour eux et pour ce qu'ils essayent de préserver.
Ainsi, devant le même fait inacceptable (de l'aveu même d'OBAMA et de SARKOZY), l'Occident fait bombarder les bureaux de KADHAFI à Tripoli (Seif Al-Arab, le plus jeune des six fils du dirigeant libyen n'occupant pas de poste officiel connu et 3 de ses petits fils ont été, d'après le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa IBRAHIM, tués lors des bombardements de l'OTAN de la nuit du samedi 30/04/2011) et se contente de formuler quelques protestations, sans réelle portée, contre Damas.
Bien sûr, les pertes humaines dans l'entourage de KADHAFI ne sont pas plus atroces que celles engendrées par ses sbires ou celles des civils innocents tués lors des raids de l'OTAN ; mais la question qui s'impose est de comprendre comment peut-on tenir deux langages différents (deux attitudes différentes) pour un fait similaire ?
Une seule réponse me vient à l'esprit : Deux poids, deux mesures.

Lotfi AGOUN