dimanche 17 avril 2011

Le Yémen : un pays pauvre très convoité

Le Yémen est un pays situé à la pointe sud-ouest de la péninsule Arabique ; il est composé de plusieurs tribus et possède des façades maritimes sur le golfe d’Aden et sur la mer Rouge. Il a des frontières communes avec l’Arabie Saoudite au nord et le Sultanat d’Oman à l’est. Le Yémen couvre une superficie totale de 527.970 km² (presque autant que la France : 547.030 km²). Plusieurs îles font partie du territoire yéménite : l'île Kamaran en mer Rouge, l'îlot de Périm qui commande l'accès à la mer Rouge par le détroit de Bab el-Mandeb, et l'île Socotra (la plus grande des îles) dans l'océan Indien. La capitale du Yémen réunifié est Sanaa. Sa population s'élève à 24 millions d'habitants (sans groupe majoritaire). Au Yémen, la religion est toute-puissante : c'est un État islamique régi par la Charia. D'ailleurs, l'article premier de la Constitution yéménite proclame que "la République du Yémen est un État arabe, islamique, indépendant, souverain, un et indivisible".
C'est le pays le plus pauvre du monde arabe tout en étant une pièce maîtresse sur l’échiquier de la stratégie géopolitique mondiale. Il n’a pas beaucoup de pétrole et ses réserves de gaz naturel s’amenuisent, tout comme l’eau dans le nord du pays. De nombreuses régions n’ont pas accès à l’électricité. C’est un pays sous-développé, avec des taux d’alphabétisation très faibles et un chômage record qui avoisine les 35 % et touche la moitié des jeunes.
Le Yémen actuel est né le 22 mai 1990 de la fusion de la République Démocratique et Populaire du Yémen (ou le Yémen du Sud) seule République marxiste du monde arabe. Son président était Ali Salim al-Beidh et sa capitale Aden), et la République Arabe du Yémen (ou le Yémen du Nord, d'idéologie pro-occidentale. Son président était Ali Abdullah Saleh et sa capitale Sanaa). Cette réunification marque la fin de la guerre froide dans le monde arabe alors qu'en Europe se déroulait progressivement la chute du bloc de l'Est. Le premier sera désigné premier ministre et le second président.
Contrairement à l'Allemagne de l'Est, à l'Allemagne de l'Ouest et aux deux Corées (Corée du Nord et Corée du Sud), les relations entre les deux Yémen étaient plutôt amicales, bien qu'elles fussent parfois tendues. Alors que le Yémen du Nord avait accédé à l’indépendance après la chute de l'Empire Ottoman en 1918, le Yémen du Sud devint une colonie britannique. Il parvint à son indépendance en 1967 à la suite du retrait des troupes britanniques.
Le Président Ali Abdullah Saleh est né le 21 mars 1946 (comme l'atteste le site de la présidence yéménite) au village Al-Ahmar (Sanaa – Yémen du Nord). Il rejoint les forces armées en 1958 (soit à l'âge de 12 ans) et intègre l'académie militaire deux ans plus tard (À 14 ans. Sic !). Il est nommé président de la République Arabe du Yémen (Yémen du Nord) lors de l'assassinat du président Ahmad al-Ghashmi le 24 juin 1978 (à l'âge de 32 ans). Sa présidence de 1978 à 1990 est fortement marquée par la Guerre froide et la lutte idéologique qui opposait le Yémen du Nord (unionistes) au Yémen du Sud (marxistes).
Il a soutenu l'Irak de Saddam Hussein au moment de la guerre du Golfe (tout en restant en bons termes avec Washington : C'est dire le poids stratégique de ce pays pauvre), sans pour autant soutenir l'annexion du Koweït par l'Irak. Il fut partie prenante de la guerre civile au Yémen de 1994 faisant de 7.000 à 8.000 victimes lorsque les autorités du Sud, dirigées par Ali Salim al-Beidh, tentèrent de faire sécession, en vain.
Il est le premier président élu du pays en 1999 avec 96 % des voix et est réélu le 22 septembre 2006 avec 77,2% des suffrages. En 2000, il régla le long contentieux frontalier avec l'Arabie Saoudite. En 2004, il ordonna une campagne militaire contre l'insurrection au Saada (au nord du pays ; soutenue par l'Iran). Cette campagne dura jusqu'à début 2010 et provoqua la mort d'environ de 5.000 à 7.000 Yéménites.
Malgré les efforts d'Ali Abdullah Saleh pour une pseudo-démocratisation du pays et dans la lutte contre l'islamisme, le Yémen reste un foyer d'instabilité, qui doit faire face de plus à une insurrection dans le sud du pays appelant au retour d'un État indépendant au sud correspondant au territoire de l'ancienne République démocratique populaire du Yémen.
Les revendications des manifestants du 03 février 2011 à Sanaa n'étaient que marginalement sociales et économiques. Il n'était pas question de lutte contre le chômage, de demande de meilleurs services ou de protestation contre la hausse des prix par exemple. Elles réclamaient la réforme du système politique, la lutte contre la corruption et le gel des projets de réforme annoncés par le parti au pouvoir. Les critiques visant le président Saleh sont relativement minoritaires, et les partis qui ont encadré ces protestations n'appellent pas à son renversement, mais au transfert pacifique du pouvoir lors d'élections libres. Ces manifestations sont à distinguer des immolations ou des mouvements dans les gouvernorats du sud notamment, qui se basent sur des revendications économiques et sociales (marginalisation générale, chômage, retraites gelées, hausse du coût de la vie, etc.). Les mouvements dans le sud du pays ont progressivement pris une dimension plus strictement "politique" avec le développement des sentiments régionalistes et sécessionnistes.
 À la suite des différentes manifestations qui touchent le pays à partir du 27 janvier 2011, le président Saleh fait plusieurs annonces successives :
  • le 02 février 2011, il renonce à se présenter pour un nouveau mandat présidentiel en 2013,
  • le 10 mars 2011, il annonce une nouvelle Constitution et des élections pour le début de l'année 2012,
  • le 20 mars 2011, il limoge son gouvernement,
  • le 23 mars 2011, il propose un référendum constitutionnel, des élections législatives et présidentielles avant la fin de l'année 2011.
Mais il continue à s'accrocher de toutes ses forces au pouvoir qu'il incarne depuis presque 33 ans. Un pouvoir qu'il a essayé de consolider en confiant la gestion des postes sensibles à certains membres de sa famille, ses proches et de ses inconditionnels. Il a affirmé, à plusieurs reprises, qu'il ne cèderait pas aux appels de l'opposition et des manifestants lui demandant de quitter le pouvoir, assurant qu'il ne le remettrait que par les urnes.
Après la chute des présidents de la Tunisie et de l’Égypte, Ben Ali et Moubarak, est-ce au tour du président du Yémen, Ali Abdallah Saleh, d’être évincé par une révolte populaire ? Son régime était un allié indispensable de l’Occident dans la lutte contre le terrorisme en général et contre Al-Qaïda en particulier. Si le pays doit basculer dans la guerre civile, comme le prédit le président Saleh, l’inquiétude sera vive à Washington et dans d’autres capitales occidentales. Pourtant, après trente-trois ans au pouvoir, il est temps que le président Saleh cède la place.
Pauvreté, forte tradition tribale et incurie du gouvernement central ont toujours constitué les ingrédients de la vie politique au Yémen, qui, en outre, a servi de base à Al-Qaïda pour plusieurs attentats visant les États-Unis et l’Arabie Saoudite.
Le président Saleh tente depuis toujours de gouverner le pays en ménageant les rivalités tribales au détriment du développement du pays et de l’unité nationale et il compte bien s’accrocher au pouvoir jusqu’aux élections qu'il propose pour la fin de l'année 2011 (voire jusqu'aux élections de 2013).
Il est vrai que les tensions politiques liées à l’avenir du pays ne vont pas s’apaiser, du jour au lendemain, avec le départ du président. Mais le risque est encore plus grand s'il continue à s’accrocher au pouvoir avec pour corolaire l'éclatement d'une guerre civile. Le pays basculera, alors, dans le chaos et le Yémen deviendra un état en déshérence. Al-Qaïda (comme beaucoup d'autres noyaux subversifs) a prospéré en réaction à un régime autoritaire soutenu par les Américains. Dans ce pays, comme dans d’autres pays du monde arabe, la démocratie est la meilleure arme contre Al-Qaïda et l'extrémisme.

Lotfi AGOUN

1 commentaire:

  1. Un pays moyenâgeux où les femmes sont encore traitées comme des esclaves. Bravo pour cet article si bien documenté. Bien à vous,

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