dimanche 3 avril 2011

Petits arrangements entre «amis»

Ce que le génie n'est pas parvenu à faire pour Nicolas SARKOZY, le jour où ce dernier est tombé sur la fameuse lampe magique ; à savoir lui permettre de retrouver sa virginité politique auprès des Français ; le président français actuel est en train de le réussir, avec l'aide de certains autres "démocrates occidentaux", en réhabilitant certains proches (voire très proches même) et presque aussi terroristes et tortionnaires que KADHAFI lui-même.
Les politiques occidentaux nous ont habitués à les voir dérouler le tapis rouge devant leur hôte de marque et tout le faste qui va avec, acceptant même certaines extravagances, comme dresser une tente dans le cœur de Paris.

Reconnaître le Conseil National Libyen "C.N.T" est une chose, mais accorder une nouvelle virginité politique à des hommes au passé sulfureux et fidèles de KADHAFI jusqu'à une date récente : voilà ce que le génie n’a pas réussi, mais notre SARKOZY et ces politiques, si.

Je les cite et la liste n'est pas exhaustive :

Moustapha ABDELJALIL : Le président de ce conseil n'est autre que l'ex-ministre de la Justice libyenne. C'était le président de la cour d'appel de Tripoli qui, à deux reprises, avait confirmé la peine de mort des infirmières bulgares. Un fidèle parmi les fidèles qui, en récompense de son intransigeance dans ce procès, fut nommé ministre de la Justice en 2007.

Idris LAGA : le coordinateur militaire du C.N.T n'est autre que l'ex- président de l'Association des parents d'enfants infectés, très active pendant toute l'affaire des infirmières bulgares. Très proche de KADHAFI, il avait fait monter les surenchères en instrumentalisant la douleur des victimes.

Moussa KOUSSA : le tout récent ex-ministre des Affaires étrangères de KADHAFI. Il ne va pas tarder à rejoindre la rébellion alors même qu’il a été expulsé en 1980 de Londres (là où sa carrière sur la scène internationale a commencé quelque 30 ans plus tôt comme ambassadeur), sur ordre du gouvernement britannique parce qu'il ne cachait pas ses intentions de régler leur compte à deux opposants au régime du colonel KADHAFI.

Le général Abdel-Fattah YOUNIS est devenu la coqueluche des Occidentaux - le Quai d'Orsay relate sur son site une conversation téléphonique entre lui et Alain JUPPÉ le 5 mars 2011 - qui espèrent que son ralliement permettra aux insurgés de reprendre du poil de la bête sur le terrain militaire. Ils oublient ce que ses hommes, sur ses ordres, avaient infligé comme mauvais traitements aux infirmières - viols, électrochocs et morsures de chiens notamment – pour leur faire avouer des crimes qu'elles affirmaient n'avoir jamais commis.

Et la liste ne s'arrête pas là. Ces opportunistes, ayant vu ce que la rue à pu faire en Tunisie et en Égypte ont été prompts à retourner leur veste (avec la bénédiction de ces "démocrates occidentaux"). Le peuple tunisien a exigé et obtenu que tous les collaborateurs de l'ancien régime soient écartés de la sphère des politiques qui dirigeront désormais la nouvelle République. Le peuple égyptien a émis les mêmes revendications et a pu en obtenir certaines.

Les suscités qualifiés de paria hier par ceux-là mêmes qui les serrent dans leurs bras aujourd'hui, vont se retrouver aux commandes de ce pays : La Libye. On se demande bien dans l'intérêt de qui ? Du peuple libyen ? Leur propre intérêt ?... Ou bien celui de ceux qui leur accordent cette nouvelle virginité ?...

Certains des démocrates occidentaux n'hésitent pas à affirmer qu'ils préfèrent à la limite un régime islamiste extrémiste/radical en Libye à celui de KADHAFI.
Nick CLEGG, le chef du parti Libéral Démocrate britannique, occupe la fonction de vice premier ministre au service de Sa Majesté la reine Élizabeth II. Il est donc ce qu’on appelle "une grosse pointure" de la coalition au pouvoir à Londres.
Il vient de dire à l’occasion d’un discours prononcé à Mexico (29 mars 2011) où il se trouve en visite officielle, que le résultat de l’agression militaire contre la Libye à laquelle participe son gouvernement pourrait bien se terminer par l’instauration de ce qu’il appelle un régime islamiste radical en cas d’éviction du colonel KADHAFI. Il laisse, par ailleurs, sous-entendre qu'il préfèrerait un régime comme celui que les Américains ont mis en place en Irak.
Nick Clegg dit également dans son discours : «Ce n’est pas à nous de choisir le gouvernement libyen ni même le système de gouvernement en Libye» mais il continue à penser quand même qu’il revient à la Grande-Bretagne et à ses alliés de sommer KADHAFI de quitter le pouvoir dans son pays.
D'où la perpétuelle question : Dans l'intérêt de qui ?

Lotfi AGOUN

5 commentaires:

  1. Bonjour, votre analyse est très instructive. Remplacer Kadhafi par ses bras droits et plus proches collaborateurs, est vraiment curieux. Je me demande ce qu'en pensent les infirmières bulgares ? Ce ne sera peut-être qu'un gouvernement provisoire en attendant de vraies élections, cependant on sait très bien que ce qui est au pouvoir est difficile à déloger ! Je mets l'article sur mon blog, il sera peut-être un peu plus consulté pour le bien de notre pays -:)...

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  2. La réalité, surtout politique, est toujours très embrouillée, et beaucoup plus que ce que les théories laissent croire. Cela se vérifie aussi en Libye.
    A votre réflexion, j'apporterai trois remarques :
    1) Certes il y a des gens qui ont changé de camp. Est-ce par pur opportunisme, parce qu'ils voyaient que le vent était en train de tourner ? Est-ce parce qu'ils ont pu saisir enfin l'occasion de reprendre leur liberté ? On a tendance à sous-estimer la peur que peuvent inspirer les tyrans à leurs propres complices... Cependant le fait de rejoindre la ville de Benghazi, comme l'a fait Abdel Fattah Younes, ancien ministre de l'intérieur, et d'y rester alors que cette ville allait très probablement tomber aux mains de Kadhafi, ne va pas vraiment dans le sens de l'opportunisme.
    2) C'est un fait que le ralliement d'un certain nombre de hauts responsables libyens, dans le contexte de ce pays, a été un élément déterminant pour consolider le mouvement de révolte. Qu'on le veuille ou non, cela a conforté le soulèvement.
    3) La façon dont la position de Nick Clegg a été reprise par le journal anglais "The Daily Mail" et sur beaucoup de blogs et de sites est un exemple particulièrement frappant de désinformation. Je me suis renseigné sur ce discours, et j'ai pu trouver le texte original :
    http://ukun.fco.gov.uk/en/news/?view=PressR&id=575580582

    Le quotidien britannique "The Daily Mail", journal considéré comme "populaire", de tendance conservatrice et réputé peu sérieux, fait son titre sur une soi-disant déclaration de Nick Clegg qui admettrait qu'"un Etat islamiste pourrait remplacer le régime de Kadhafi".
    http://www.dailymail.co.uk/news/article-1371273/Clegg-admits-Libya-hardline-Islamist-state-Gaddafi-toppled.html
    Rien de tel ne figure dans le discours de Nick Clegg...
    "It is not for us to choose the government of Libya, or indeed the system of government for Libya. That is for the people of Libya. What we can do is prevent lethal military force being deployed by a dictator against civilians."
    Voilà ce que dit Clegg. Et je n'ai rien trouvé qui aille dans le sens de ce que l'article lui fait dire.
    En réalité, les propos censés être ceux de Clegg sont, de façon curieuse, attribués, dans le corps de l'article à une autre source :
    "A senior LibDem source said Mr Clegg accepted that the power vacuum that would follow Gaddafi’s departure could result in the creation of a hardline Islamic regime, as secular political institutions in the country are ‘very weak’ after 40 years of dictatorship."

    Ce qui signifie que les propos initialement attribués à Clegg sont finalement ceux "d'une source importante du parti libéral-démocrate", source bien entendue anonyme...

    Mais sur les blogs et sites divers, cela devient : "Le vice premier ministre Britannique préfère al Qaïda à Kadhafi"
    Voir notamment le site http://mounadil.wordpress.com/
    qui semble être à l'origine de la traduction en français de l'article du "Daily Mail" et de l'exploitation qui en est faite...

    Je terminerai sur la même question que vous, cher monsieur Lotfi : Cui prodest ? Comment se fait-il que tant de gens soient si intéressés à dénaturer le profond mouvement de révolte qui secoue le Moyen Orient ?
    Amicalement,
    Boris.

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  3. En réponse à Boris,
    Un fait est indéniable et il est bien cité aussi bien dans votre commentaire que dans le dernier paragraphe de mon article.
    Je cite :"Nick Clegg dit également dans son discours : «Ce n’est pas à nous de choisir le gouvernement libyen ni même le système de gouvernement en Libye» mais il continue à penser quand même qu’il revient à la Grande-Bretagne et à ses alliés de sommer KADHAFI de quitter le pouvoir dans son pays."
    Il semble tout simplement avoir oublié que ça fait quelques décennies que KADHAFI est là.

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  4. Il se trouve que la volonté de Monsieur Clegg rejoint la volonté des insurgés libyens. Je comprends tout à fait que l'on s'interroge sur cette heureuse coïncidence. Je m'interroge aussi.
    Ma réponse, au vu des informations dont je dispose, et je ne suis pas dans le secret des gouvernants, c'est qu'il ne s'agit pas d'impérialisme à court terme, mais plutôt d'une stratégie d'influence. Les occidentaux n'avaient pas besoin de virer Kadhafi pour contrôler les ressources pétrolières de la Libye. C'était déjà le cas. Objectivement, si l'on s'en tient aux seuls intérêts économiques, il aurait été très aventureux de se lancer dans une tentative de déstabilisation, surtout dans en cette période. D'autant plus que Kadhafi Junior, plus "occidental" que son père et fort bien vu par les gouvernements occidentaux, allait prendre la relève. Un peu de patience, et tout aurait été parfait...
    Si on écarte donc cette hypothèse, il reste donc celle que je propose : les dirigeants occidentaux ont voulu se racheter une conduite et montrer aux opinions arabes et à celles de leurs propres pays qu'ils étaient prêts à accompagner ce mouvement "démocratique". Cela leur permettrait d'influencer le mouvement pour éviter qu'il n'aille beaucoup plus loin que des objectifs de "démocratisation". Pari certes risqué, mais relativement rationnel si on prend au sérieux l'ampleur de la révolte et toutes les conséquences qui pourraient en découler.
    Autrement dit, je ne prends pas les propos de Monsieur Clegg au premier degré, of course...
    Mais je me réjouis sincèrement pour les insurgés libyens ce l'aide qu'ils reçoivent, même s'ils devront se méfier, s'ils parviennent à gagner, de leurs "nouveaux amis"...

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  5. En réponse à Boris :
    Je ne partage pas entièrement votre avis et je pense plutôt que SARKOZY a forcé un peu la main des Américains en faisant jouer son soutien à leurs actions ailleurs. Il ne pouvait se permettre de perdre la crédibilité de la France en Tunisie (et en Afrique du Nord) et en Égypte (et au Moyen-Orient).
    D'un autre côté les Américains avaient à évaluer leur attitude en Tunisie (pays sans un véritable intérêt pour eux mais appartenant à une zone géographique stratégique à plus d'un titre) et en Égypte (un allié et un contrepoids dans la région, car nous ne devons pas oublier la présence d'Israël). Les Américains ont, de facto (dans ces deux pays) laissé choir leurs "amis" ou pseudo-amis BEN ALI et MOUBARAK.
    Du coup l'Arabie Saoudite, le Kuwait, etc ont bien compris qu'ils ne pourront plus compter sur une amitié ni un soutien indéfectibles de la part des Américains et des Occidentaux.
    Ainsi l'intervention des Américains en Libye est venue à point nommé rappeler à ces monarchies qu'ils peuvent, non seulement, se contenter de les laisser choir, mais aller même jusqu'à les anéantir s'ils le veulent (comme ils le démontrent en Libye). Pour revenir à KADHAFI, je ne serai pas très surpris de les voir arrêter "cette guerre" comme l'avait fait BUSH-père lors de la première guerre du Golfe. Alors que ses soldats étaient à 300 mètres du bunker de Saddam HUSSEIN.
    Nous sommes bien en présence d'un impérialisme à court terme doublé d'une stratégie d'influence.

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