dimanche 8 mai 2011

Mesure et Prudence

Dans mon article "De quoi ont besoin ces peuples qui accèdent à la démocratie" (Lire ici), j'avais parlé des quatrième et cinquième pouvoirs ; respectivement, les médias dans leur ensemble et l'opinion publique. En Tunisie, ces deux pouvoirs (ou plutôt contre-pouvoirs) semblent se chercher encore ; et les derniers évènements de la semaine écoulée confirment cet aspect des choses.
Liberté d'expression n'est pas synonyme de dire n'importe quoi, au détriment du respect des règles élémentaires censées régir les rapports entre individus dans une société qui se veut démocratique, qui tend à l'être ou à le devenir.
Les récentes tensions qui traversent la Tunisie après une pseudo-accalmie n'augurent rien de bon pour son devenir démocratique.
J'essaye de ne pas porter de jugement de valeur. Persuadé de n'avoir aucune qualité pour le faire autre que celle du simple citoyen qui aspire à voir son pays sortir finalement indemne de cette tourmente après des décennies de tyrannie et dictature. Je me contenterai, tout simplement de souligner certains faits qui, à mon avis desservent l'instauration d'une démocratie plutôt qu'ils ne l'assoient.
1/ Croire que le simple fait d'avoir chassé BEN ALI et ses acolytes va faire de la Tunisie un havre de paix et de prospérité est une grossière erreur dont les Tunisiens dans leur ensemble sont conscients.
2/ Recourir aux médias (la presse, Internet, les réseaux sociaux, etc …) pour régler ses comptes, sans avancer de preuves tangibles, n'est pas le meilleur moyen pour consolider cette démocratie balbutiante. Et c'est l'effet boomerang garanti.
3/ Les propos de Mr Farhat RAJHI, avec tout le respect du à sa personne, n'étaient pas de nature à apaiser cette rue qui voit, pense (parfois avec l'aide de certains pas toujours bien intentionnés) que sa révolution lui a échappé des mains et que petit à petit certaines pratiques, d'un passé pas si lointain, se remettent en place.
De nos jours l'information circule à la vitesse de la lumière et ce n'est pas un simple jeu de mots. Il aurait été préférable, à mon humble avis, que Mr RAJHI ne tombe pas dans ce qu'il reproche aux autres. En insistant sur le régionalisme, il suggère en substance une sorte de compensation en faveur de celles écartées depuis l'indépendance ; et par conséquent, une autre forme de régionalisme. La Tunisie a besoin de toutes ses compétences quelque soit la région d'origine.
Accorder une interview à une journaliste stagiaire (d'après les dires de l'intéressé) et se faire filmer à son insu ne semble pas très plausible dans la mesure où il a été bien cadré durant l'entretien. Ne pas demander à écouter au préalable le rendu final, afin d'éviter certains montages qui font sortir les propos de leurs contextes, est un reproche que je ne peux ne pas faire à cet ancien haut magistrat et ex-ministre à la tête d'un ministère de souveraineté.
Quand on s'exprime sur les ondes et à travers les médias (et il est bien placé pour apprécier leurs pouvoirs de nos jours) il ne peut, lui qui de par les fonctions occupées (même de façon éphémère) jusqu'à sa démission, oublier qu'il est tenu à l'obligation de réserve. Exprimer ses pensées à travers ces moyens d'expression peut attiser des haines et surtout manipuler les sentiments des citoyens. Agiter l'épouvantail de l'arrivée des islamistes au pouvoir et de les voir se faire coiffer au poteau par l'armée est un scénario fort lugubre pour la Tunisie. Les enjeux touchant au devenir de ce pays et à l'avenir de son peuple sont tels que les actes des responsables politiques de tout bord, qui se veulent les bâtisseurs de la démocratie en Tunisie, doivent être imprégnés de sagesse et de pondération. De mesure et de prudence.
Espérons que l'instauration du couvre-feu, que l'on croyait révolue depuis l'avènement du gouvernement de transition, sera de très courte durée et surtout pour la dernière fois. Que les sacrifices des Tunisiens pour conquérir la démocratie ne soient pas vains.

Lotfi AGOUN

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